De Brel à Arno, en passant — mais est-ce bien chrétien de le rappeler ? — par Annie Cordy et Plastic Bertrand, la Belgique a régulièrement apporté son écot à la musique. Ce plat pays qui n’est pas le mien récidive aujourd’hui avec Selah Sue, l’une de ses Flamandes aux yeux clairs et aux cheveux blonds qui ont fait le bonheur de Rubens et font encore celui des campings méditerranéens les soirs d’élection de Miss.
Elle est jolie, ça oui, la petite Selah, mais ce n’est pas pour cela qu’on l’aime. Cette jeune femme n’a en effet rien d’une bimbo en culottes — trop ? — courtes comme l’Amérique nous en expédie régulièrement depuis — trop ? — longtemps. Son plus bel atout est bien situé au niveau de la poitrine, mais le sien naît à l’intérieur : c’est ce souffle irrésistible qui se fait voix, une voix magnifique, d’une belle amplitude, où perce, dès lors qu’elle gagne en puissance, un grain de folie, une tessiture rauque qui l’a fait sensuellement rock.
Cet organe d’exception que certains ont gaillardement comparé à celui de Janis Joplin avait déjà retenu l’attention du public et des critiques il y a quatre ans avec un premier LP à son nom. Emmenait par un premier tube, Raggamuffin, l’album avait fait un carton, s’écoulant à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires. S’en était suivi une longue errance sur les routes d’Europe pendant laquelle, de concert en festival, la demoiselle avait démontré à une assistance de plus en plus fournie qu’elle n’était pas une créature de studio.
Quatre ans ont passé et le tempérament et le talent de Selah sont toujours là. La Belge passe l’épreuve du second album, fatale à bien d’autres, avec mention “Très bien”. Vendu à raison de 1000 exemplaires par jour en moyenne depuis sa sortie le 31 mars dernier, Reason est et restera sans aucun doute comme l’un des temps forts de 2015. Ça groove avec Alone et I won’t go for more. Ça vibre intensément avec Reason, Alive ou Fear nothing. Une fois encore, la native de Louvain réussit le mariage de l’ancien et du moderne pour nous enivrer d’un superbe cocktail de soul, reggae et R’n’B, souligné d’un trait de hip hop (joli solo de l’Américain Childish Gambino sur le titre Together). A écouter de toute urgence, si ce n’est déjà fait !
Pour un avant-goût de l’album :
