Préparez vos mouchoirs

Diana Krall

N’en déplaise à Anastasia Steele et Christian Grey, son mentor (Qui ? Voyons, Anastasia et Christian, le couple sulfureux de Fifty Shades of Grey. Bon sang, mais vous vivez où ? Sur Mars ?), souffrir par amour n’est pas toujours une partie de plaisir. Wallflower, le nouvel album de Diana Krall, vient nous le rappeler. Pour ce neuvième opus d’une brillante carrière, la Canadienne fait une infidélité au jazz, s’acoquinant le temps d’une douzaine de chansons avec la pop music. Elle a choisi en effet de revisiter quelques-uns des titres qui ont bercé ses jeunes années (et, du même coup, celles de ceux qui ont passé depuis quelque temps déjà le cap de la quarantaine).

Autant vous prévenir : ce flashback n’est pas sans danger pour les âmes sensibles. Le piano mollo et les violons mélos de la dame sont prompts en effet à réveiller des sentiments que l’âge et, pour les plus chanceux, un mariage heureux avaient relégué au fin fond de nos souvenirs : le chagrin inconsolable de la première rupture (« Je casse ! »), les désirs secrets pour le bellâtre du lycée (« Je l’aime ! »), la dernière nuit au camping de la plage (« Je ne t’oublierai jamais ! »), les râteaux à l’heure des slows (« Tu danses ? ») et une ribambelle de plaquages forcément plus douloureux que ceux de Mathieu Bastareaud, “l’Homme fort” du XV de France (Cherches pas, ma Belle, là, c’est de rugby dont on cause !).

C’est qu’elles sont mélancoliques en diable les interprétations de la jolie blonde. On pourrait même dire tristes si elles n’étaient pas aussi belles. Portée par une voix profonde, sans fioritures, sans excès, tout en subtilité et sensibilité, sa version de Sorry seems to be hardest word, l’un des plus grands slows de Sir Elton John, vous fait ainsi venir le spleen plus vite qu’un poème de Baudelaire. Emprunté au répertoire des Eagles, Desperado, avec son ensemble de cordes tout en émotion contenue, vous laisse également le regard embué et le cœur lourd. Un ciel grisâtre que Superstar, la piste suivante, plombe davantage encore avec ses violons tendus, déchirants. Fort heureusement, le morceau qui vient derrière, un duo avec Mickael Bublé sur Alone again (naturally), un tube seventies de l’Irlandais Gilbert O’Sullivan, apporte un peu de réconfort. Ce n’est pas qu’il soit gai, faut rien exagérer, mais il est empreint d’un romantisme douceâtre qui suscite davantage la rêverie que la déprime.

Il serait plus raisonnable d’en rester sur cette note d’espoir afin d’échapper tant qu’il en est encore temps au syndrome “Bridget Jones”. Mais la raison n’a pas sa place ici. Seuls comptent l’émotion, la passion, le frisson que fait naître le talent de Lady Di. Avec Wallflower, reprise de Bob Dylan, Dont’t dream it’s over, l’énorme succès des Australiens de Crowed House, I’m not alone, le hit tout aussi mémorable des 10cc, ou encore If i take you home tonight, le seul titre original de l’album, une love song signée par un jeunot de 72 printemps (un certain Paul McCartney) Madame Krall entraîne nos petits cœurs tendres dans une partie de Touché Coulé dont ils ne sortent pas indemnes. Besoin d’un peu de soleil ? On le trouvera avec California Dreaming, le tube des Mamas & Papas repris ici à la façon d’une bossa nova, et plus encore, pour peu que l’on ait opté pour la version Deluxe de Wallflower et ses quatre titres bonus, avec Yeh Yeh, une chanson de Georgie Fame que les sémillants Matt Bianco, combo pop jazz british des années 80, ont propulsé en leurs temps dans les bonnes places du Top 50.

Diana Krall en concert :

Le 3 octobre, à Lyon (Cité Internationale)

Les 14 et 15 octobre à Paris, à l’Olympia.

 

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